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À la rencontre de Molécule, l’aventurier sonore

17 mai 2020
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© Vincent Bonnemazou

Né d’une envie d’aventure, le projet Molécule est un ovni dans la scène musicale actuelle. Que ce soit en haute mer pour “60°43’ Nord”, au Groenland, ou à Nazaré en tentant de dompter les vagues, Molécule surprend par sa capacité à s’inspirer des milieux naturels pour créer sa musique. Nous lui avons posé quelques questions à propos de ses aventures. 

D’où est venue cette idée de créer ta musique à travers un univers sonore naturel ?

C’est une idée qui a toujours été présente chez moi, il y a six ans, je suis parti en pleine mer pour mettre en musique la tempête, c’était un rêve d’enfant. C’est quelque chose qui me parle particulièrement, j’ai toujours eu une fascination pour la mer, à travers ce genre d’aventure je voulais retrouver ce lien avec la nature.  

Est-ce une manière de t’affranchir de certains codes standards de créations ? 

Je ne m’affranchis pas forcément de certaines règles ou de certains standards de musique, je tiens à ce que toutes les portes restent ouvertes. Je ne veux pas me cantonner à un style ou une étiquette, j’écoute beaucoup de musique très différentes. À chaque fois les albums sont composés dans des contextes et des situations particulières, je laisse faire les choses et je ne ferme aucune porte. Mais je n’ai pas l’ambition de créer une musique nouvelle non plus, j’ai une démarche assez singulière mais la musique qui en résulte reste quand même assez harmonieuse.

Je ne déconstruis pas les codes de l’harmonie, les codes de la rythmique. C’est plus dans la transformation des sons et dans la création de paysages sonores que je me concentre pour être au plus près des émotions ressenties. Mon axe est vraiment d’être entre l’humain et l’artistique. Je ne reviens pas avec un témoignage objectif de ce qu’est le Groenland ou de ce qu’est la pleine mer, je reviens avec mon témoignage, avec tout le bagage humain que j’ai et aussi mon regard qui est quelque chose de très subjectif et de très intime.

Oui c’est intime, mais j’ai aussi l’impression qu’il y a une volonté de faire partager ton expérience sonore et visuelle, puisque l’image est aussi très présente dans le projet Molécule. Peux-tu nous en dire plus ? 

Dès le début je me suis dis que c’était important de documenter ces expériences pour pouvoir les décliner que se soit pour des clips ou des lives immersifs. J’aime le dessin, l’écriture, j’ai publié des livres de ces expériences la, je prends des photos, j’ai un collaborateur Vincent Bonnemazou qui me suit souvent pour prendre pleins d’images et réaliser un film documentaire. Dernièrement on a également fait une expérience en réalité virtuelle avec Jan Kounen. J’aime bien utiliser tout ce qui est à notre disposition d’un point de vue technologique au service d’une histoire et d’un projet artistique. Je pense qu’on arrive à donner des émotions et des messages différents selon un podcast, un concert live au Rex Club dans le noir, ou seul avec un casque de réalité virtuelle. Voilà le principe de déclinaison.  

Et du coup ton processus créatif ? As-tu une idée de l’orientation de ta musique avant de partir ? 

Non je n’ai pas d’idée de ce que je vais enregistrer. J’essaie de ne pas devancer l’inspiration, d’avoir aucune idée de ce que je vais composer, de ce que je vais y trouver. La seule chose que j’organise est de sélectionner le matériel au niveau des prises de son que je vais utiliser. Je prend mes instruments qui sont ceux du moment on va dire, selon mes affinités. Je travaille beaucoup avec des vieilles machines des années 70 – 80, des synthétiseurs analogiques modulaires et j’emporte vraiment beaucoup de matériel avec moi pour recréer un studio. À partir des prises de sons que je réalise et de ce que je suis en train de vivre, je crée l’album comme ça, je rajoute aucune note une fois revenu pour garder un témoignage brut.

Tes voyages sont sûrement remplis d’adrénaline et d’excitation mais il y a aussi une part de danger. À quel moment durant tes voyages t’es-tu senti en danger ? 

Alors ce sont des dangers très différents, je ne suis pas quelqu’un de suicidaire et je ne cherche pas à me mettre en danger. Il y a effectivement toujours une part de danger liée à ses endroits où il y a des éléments naturels importants qui s’expriment, au Groenland la glace peut craquer, on se retrouve isolé. Sur le bateau en pleine tempête à plusieurs centaines de kilomètres des côtes où on affronte des murs de plus de 15m, on se sent tout petit donc on a des peurs comme ça.

Finalement le danger est partout, c’est juste qu’il faut faire attention. On joue avec ses propres limites, voir jusqu’où on est prêt à aller et oui parfois je les vois très concrètes ces peurs. Comme à Nazaré, j’étais tout petit avec les jambes qui tremblaient, fébrile, on se demande ce qu’on fait là et en même temps ces images me resteront gravées.

© Goledzinowski

Quel est ton rêve le plus fou en terme de voyage ?  

J’en ai pleins ! J’ai des choses en cours, c’est souvent assez difficile d’en parler parce que ce genre de projet demande beaucoup de temps, de financement, d’autorisations parfois. Evidemment le rêve serait peut-être d’aller sur la lune ou dans l’espace faire un projet, ce serait un projet ultime par exemple. C’est une manière de botter en touche ! Il parait qu’il n’y a pas beaucoup de son, mais le silence est un sujet qui m’intéresse aussi fortement donc je ne dirai pas non à une invitation de la NASA !

Est-ce qu’il y a une volonté de sensibiliser les gens à la cause écologique à travers ta musique ?

J’ai toujours été proche de la nature, j’ai toujours eu besoin d’être sur l’eau, il y a des moments où je me reconnecte à ça. La contemplation de la nature, des couchers de soleil, des nuages, la nature a toujours beaucoup comptée, elle a toujours été là, sans vraiment militantisme politique. 

La question du réchauffement climatique, est une cause à laquelle je suis évidemment sensible mais c’est pas forcément le plus grand moteur. Je ne peux que à mon niveau encourager, supporter et relayer toutes ses initiatives qui vont dans le sens d’une plus grande sensibilisation, protection, et un  arrêt de la destruction de la biodiversité. Je suis d’ailleurs très à l’écoute de ce qui se dit aujourd’hui. Avec ce que l’on vit ces dernières semaines, il faut se servir de cet arrêt soudain, c’est presque une remise à zéro de pleins de branches de l’économie pour reconstruire et aller dans le bon sens. Le côté militant je l’ai mais en tant qu’individu, pas en tant qu’artiste. Ma démarche de musicien n’est pas une démarche militante. Le seul côté militant serait de mettre l’écoute, le sens de l’écoute à sa juste place parce que c’est un sens très puissant et c’est selon moi une manière très forte de pouvoir mettre en résonance son intériorité.

© Vincent Bonnemazou

Comment vis-tu cette période d’isolement en tant qu’artiste ?  

J’ai sorti un projet qui s’appelle music for containement il y a 15 jours avec plusieurs artistes dessus. On vit une période très importante et il faut pas juste faire passer le temps, il faut se retrouver, prendre la mesure de ce qu’on est en train de vivre, et il faut aussi porter un regard critique sur l’état de notre mode de vie et de notre organisation. Cette compilation a aussi cette vocation de pousser à la réflexion, à aider. Il ne faut surtout pas qu’on reparte le nez dans le guidon et malheureusement c’est un peu ce qui risque de se passer …

Il faut relayer un maximum les intellectuels, économistes qui ont des vraies visions, des solutions. L’écologie aussi évidemment, les humanistes, je pense que c’est un moment charnière alors il faut que chacun porte cette voix la. La crise économique va être tellement dure que malheureusement les gens vont penser à manger et sauver leurs emplois. Les milliards d’euros d’aides déployés pour Air France, je pense qu’on pourrait les placer ailleurs. On s’aperçoit qu’on vit finalement très bien en confinement, on a pas besoin de tellement plus. 

Pour finir, qu’est-ce-que tu nous conseille d’écouter en ce moment ?  

Je vais conseiller d’écouter la compilation Music for containment, 33 artistes avec que des trucs inédits, c’est une bande son de 3h30 qui est sortie début avril. Tous les bénéfices sont reversés à la Fondation de France, c’est un projet dont je suis très content et très fier ! 

Pour écouter la compilation Music for containment c’est par ici.

Propos recueillis par Victor LE JAMTEL 

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